L'or des poubelles industrielles

Hubcycle trouve la bonne formule

LIEU(x)
Avignon, France
auteur
Emile Biraud
audio
Emile Biraud

À Avignon, une startup à impact revalorise les déchets agricoles en coproduits cosmétiques et alimentaires. Depuis 2016, aux côtés de l’Oréal, Nestlé, Biocoop ou encore Nutrition et Santé, son ambition est claire : accélérer la sobriété industrielle.

Nous travaillons des matières déjà produites qui n’ont donc pas besoin d’émettre plus de CO2.Si on jette la moitié, ça signifie qu’un dixième des émissions mondiales de CO2 sont inutiles.

Direction l’autoroute du soleil. Ici, entre les grands bâtiments de tôle, se niche un petit local qui pourrait bien changer le quotidien de l’industrie : celui d’Hubcycle. Julien Lesage, le fondateur, nous ouvre les portes de sa société pour nous raconter son histoire, qui débute avec une drôle de découverte.

En 2016, Julien Lesage est biochimiste stagiaire dans les usines de parfumerie de Grasse. Là-bas, son chef de service lui confie la mission d’extraire une molécule anti-âge de la célèbre Rose de Mai. Les conventions industrielles veulent alors que la molécule soit prélevée sur un échantillon de roses fraîches. Mais c’est dans les déchets floraux générés par l’usine que Julien trouvera son bonheur. Pour lui, c’est le déclic : un produit sur le point d’être jeté s’est métamorphosé en matière première. Si c’est le cas pour la Rose de Mai, d’autres industries peuvent certainement emprunter la même voie.

Cette découverte donne à Julien la raison d’être de sa future entreprise : transformer les déchets en matières premières. Dans les mois qui suivent, Julien Lesage écume les usines de France. Il visite, analyse, et échange avec les industriels. Et grâce à ces multiples immersions, son idée de génie trouve son modèle économique. Il identifie quelles industries génèrent quels déchets, comment les exploiter, et à qui les vendre. Il lance Hubcycle, dans le but de créer le pont manquant entre les industriels.

En pénétrant dans son local de stockage, où sommeillent des centaines d’échantillons, Julien Lesage partage un exemple simple : « Prenez une orange » commence-t-il. « Dans son parcours industriel, elle sera pelée puis pressée, son jus filtré et concentré ». Résultat des courses : ce qu’on appelle le produit représente 20 % de la masse de l’orange, les 80 % restants sont jetés. Et c’est précisément sur cette masse gaspillée que travaille Hubcycle.

Nous travaillons des matières déjà produites qui n’ont donc pas besoin d’émettre plus de CO2.
Julien Lesage

Le rôle de la start-up est de repérer les parties non valorisées des différents cycles de transformation industriels. Chaque denrée non exploitée peut représenter un gisement de valeur pour une autre industrie. Avec cette approche, les pelures, les graines ou la pulpe ne sont plus considérés comme des déchets, mais comme des coproduits : une denrée créée lors d’un processus industriel s’avérant utile dans une autre chaîne de transformation. Une fois ces coproduits identifiés, c’est au tour du laboratoire intégré de leur trouver une seconde vie. Ici, entre les mains des équipes de recherche, la peau de banane devient l’agent texturant d’un steak végan, et la farine de lin intègre la composition d’une vinaigrette allégée.

Le miracle dans cette affaire, c'est que chacun y trouve son compte. Hubcycle a réussi à rendre le recyclage intéressant d'un point de vue financier, en rachetant les coproduits jusqu'à 10 fois plus cher que les filières traditionnelles de valorisation des déchets. Pour l'industriel qui achète les produits transformés, l'offre est tout aussi alléchante, car les ingrédients conçus à partir de coproduits sont en moyenne 20 % moins cher que leurs équivalents issus de l’industrie traditionnelle. Une aubaine sur le plan économique, mais aussi sur le plan environnemental, puisque comme le rappelle Julien « Nous travaillons des matières déjà produites, donc qui n’ont pas besoin d’émettre plus de CO2 ».

Dans l’industrie agro-alimentaire, près de la moitié de la masse des matières premières entrant dans un processus industriel est jetée. Un constat frappant, qui a un lourd impact sur l’environnement. À l’échelle mondiale, le secteur agricole représente 16 % des émissions de gaz à effet de serre. «Si on jette la moitié, ça signifie qu’un dixième des émissions mondiales de CO2 sont inutiles, c’est énorme » déclare Julien.

En résumé, l’initiative résout brillamment une équation économique sans émettre de CO2 et en réduisant le gaspillage alimentaire. Avec un tel bilan, comment se fait-il que les industriels n’y aient pas pensé plus tôt ? Probablement à cause de la structure même de l’industrie agroalimentaire, qui fait obstacle à la transversalité entre les acteurs industriels.

Si on jette la moitié, ça signifie qu’un dixième des émissions mondiales de CO2 sont inutiles.

Bâtir des ponts entre les industries n’est pas si simple. Les normes de qualité du secteur agro-alimentaire sont très strictes. L’un des principes les plus répandus du secteur est le concept de « marche en avant », selon lequel les denrées « propres » ne croisent pas les « sales ». Cette organisation verticale réduit au maximum les risques d’altération du produit fini en évinçant les déchets le plus rapidement possible. Exploiter, transformer et vendre ces denrées, c’est donc remettre en question le modèle industriel tel qu’il existe depuis toujours.

Il est là, le principal défi que l’entreprise doit relever : exploiter ces coproduits sans pour autant renverser les modèles industriels établis. Pour cela, il faut une excellente connaissance du monde de l’industrie et une grande adaptabilité aux normes. Julien précise que “ni le fournisseur, ni le client ne peuvent se porter garant de la qualité d’une telle denrée.” L’équipe s’assure donc de collecter, traiter et distribuer ses produits dans le strict respect des normes sanitaires. Ainsi, les ingrédients fabriqués à partir de coproduits peuvent être réinjectés sur le marché, comme n’importe quelle marchandise classique.

Exploiter ces ingrédients gaspillés, c’est remettre en question le modèle industriel tel qu’il existe depuis toujours.

De nombreux grands groupes agroalimentaires ont déjà fait confiance à la jeune entreprise. Le carnet de commande se remplit petit à petit, ce qui a attiré les investisseurs, et permis à l’entreprise de lever 5 millions d’euros auprès de Citizen Capital, Bleu Capital, Daphni et SWEN Capital Partners. Pour le moment, Hubcycle se concentre sur les nombreux défis à relever. En effet, on ne transforme pas la culture industrielle en deux ans. « Sinon, nous serions sold-out en 48h » ironise Julien.

Malgré un contexte de crise sanitaire et de conflit russo-ukrainien qui ont mis à mal les secteurs industriel et agro-alimentaire ces dernières années, les résultats obtenus par l'entreprise jusqu'ici sont plus qu'encourageants. Si Hubcycle à réussi à se développer dans de telles circonstances, nous ne pouvons qu’êtres optimistes, et se dire que l’économie circulaire à de beaux jours devant elle…

L’impact positif de l’initiative en chiffres :

Pour la seule année 2021, la société a revalorisé 730 tonnes de coproduits destinés à être jetés, générant une économie d’environ 1.500 tonnes de CO2. Aujourd’hui, Hubcycle travaille avec plus de 30 groupes de l’industrie agroalimentaire, et propose plus de 600 références à base de coproduits dans son catalogue.

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