Le premier vers pour la santé

Hemarina fait une découverte

LIEU(x)
Morlaix, France
auteur
Emile Biraud
audio
Emile Biraud

À Morlaix dans le Finistère, Franck Zal, docteur en biologie et ancien chercheur au CNRS exploite l’hémoglobine d’un ver arénicole pour transporter l’oxygène.

Après quelques analyses, j’ai découvert quelque chose d’incroyable.La communauté scientifique considérait les recherches sur le sujet comme vouées à l’échec.

Il faut poursuivre vers le nord après Morlaix pour atteindre Roscoff sur la côte de granit rose. En face de vous, ladite plage de Roc’h Kroum où fut collecté à la fin des années 1990, un ver marin, bien connu des Bretons, le buzuc. Véritable champion d’apnée, aussi à l’aise dans l’eau qu’à marée basse, il n’en fallait pas moins pour qu’un docteur en biologie marine et ancien chercheur du CRNS s’y intéresse de près et fasse une découverte de taille. Depuis quinze ans, au sein de son laboratoire, il exploite la seule molécule d’hémoglobine capable de fixer une grande quantité d’oxygène, tout en étant compatible avec n’importe quel groupe sanguin. Une information à effet coup de poing qui redéfinit les frontières de la recherche pharmaceutique et insuffle un air de renouveau pour la médecine.

Après quelques analyses, j’ai découvert quelque chose d’incroyable.
Franck Zal

Bien avant cette balade sur la plage, une première rencontre a été fondatrice : celle de Franck Zal, le fondateur d’Hemarina, et du commandant Cousteau. Au début de ses études, il a eu la chance d’assister à une conférence de l’explorateur. En fin de séance, le biologiste en herbe prend son courage à deux mains, et interpelle Jacques-Yves Cousteau “Comment puis-je faire pour avoir une carrière comme la vôtre” lui dit-il. Franck Zal raconte “Il aurait pu se moquer de moi, mais à la place, il m’a conseillé de me lancer dans l’océanologie, en me donnant le chemin à suivre pour arriver à mes fins”. 

Lancé bille en tête dans cette voie, il se spécialise dans l’étude des invertébrés marins évoluant en milieu extrême : sources hydrothermales, eaux profondes, ou encore zones intertidales, ces milieux immergés à marée haute, et découverts lors des basses mers. C’est dans ce contexte qu’il décroche un poste à la station biologique de Roscoff. Dans ce laboratoire de bord de mer, il étudie de nombreux invertébrés, jusqu’au jour de la fameuse promenade, où une question fondatrice lui traverse l’esprit : “Je me suis questionné sur la respiration des buzuc en les observant sur la plage qui longe le laboratoire. Après quelques analyses, j’ai découvert quelque chose d’incroyable” 

Dans les faits, la fameuse créature ne respire qu'à marée haute, et survit sans oxygène quand la mer se retire. Une capacité due à son hémoglobine. Une molécule sanguine qui stocke et transporte l’oxygène. L’hémoglobine de ce ver marin est semblable à celle qui coule dans nos veines, mais est capable de fixer 40 fois plus d’oxygène, suffisant pour tenir pendant les 6 heures qui séparent deux marées. Ce super-pouvoir est accompagné d’une autre particularité : l’hémoglobine en question est libre dans le sang du ver, contrairement à l’hémoglobine humaine, qui est stockée dans les globules rouges, ces cellules responsables du typage sanguin.

La communauté scientifique considérait les recherches sur le sujet comme vouées à l’échec.

Dans la tête de Franck Zal, tout s’accélère : Si cette hémoglobine est extra-cellulaire, elle n’est pas concernée par la question du groupe sanguin, et peut théoriquement être mise au contact d’autres organismes sans risque de rejet, partageant ainsi sa capacité de fixation de l’oxygène. Aucune hémoglobine connue n’avait de telles caractéristiques jusqu’ici. Avec cette découverte vient la promesse de développer des solutions contre l’insuffisance respiratoire, des dispositifs d’oxygénation des organes, ou encore un substitut sanguin universel. 

Convaincu d’avoir découvert quelque chose d’unique, Franck Zal est rapidement allé présenter sa découverte aux spécialistes du domaine : le Club du Globule rouge, à Paris. En décrivant sa trouvaille à un parterre de médecins et chercheurs médusés, la communauté scientifique s’est scindée en deux, il raconte  “A la fin de ma présentation, certains membres du club sont venus me dire que j’avais trouvé la molécule qu’ils cherchent depuis plus de 40 ans [...] Mais beaucoup d’entre eux restaient convaincus que les recherches sur le sujet étaient vouées à l'échec.” 

Malgré le scepticisme de certains, des études prouvent que la piste de l’hémoglobine de ver marin est prometteuse. A titre d’exemple, des essais d’injection dans des organismes de rongeurs se sont avérés très encourageants, avec un pourcentage de survie de 80%. Si la recherche valide ce procédé, il n’y a théoriquement plus qu'à développer des traitements, et pourquoi pas les commercialiser ! Le souci, c’est qu’à l’époque, Franck Zal est chercheur au CNRS, et autour de lui, des barrières commencent à se dresser “un chercheur, ça ne commercialise pas ses découvertes”. Lassé des règles tacites du monde de la recherche, il quitte le CNRS en 2007, pour lancer Hemarina, et enfin exploiter cette molécule révolutionnaire.

En tant que biologiste, il était hors de question pour moi d’aller dépeupler les plages.

L’exploitation d’une découverte révolutionnaire nécessite de développer des méthodes novatrices. Selon Franck Zal  “En tant que biologiste, il était hors de question pour moi de dépeupler les plages, j’ai donc mis au point un processus industriel de reproduction de ces vers.” C’est ainsi qu’est née la ferme aquacole d’Hemarina, sur l’île de Noirmoutier, en Vendée, la première exploitation de ce type à être uniquement dédiée à l’industrie pharmaceutique. 

Sur 13 hectares de bassin, tout est réglé comme du papier à musique : L’arénicole ne se reproduit qu’une fois par an, une fécondation in vitro est nécessaire. Après la ponte, les œufs restent en nurserie pendant 3 mois, avant d’être placés dans les bassins extérieurs pour entamer leur croissance. À maturation, les vers sont nettoyés avant d’en extraire l’hémoglobine, qui sera purifiée avant d’être exploitée.

Parallèlement au développement des moyens techniques d’Hemarina, les premiers dispositifs médicaux voient le jour, notamment Hemo2Life, une solution de conservation des greffons. Lors d’une greffe, la phase entre le prélèvement et la transplantation est cruciale. A cet instant, les organes sont particulièrement sensibles, et subissent des carences en oxygène pouvant entraîner des lésions irréversibles, pouvant induire la perte de l’organe à transplanter. Dans ce contexte, Hemo2Life s’ajoute à la solution dans laquelle sont placés les greffons après prélèvement, permettant une meilleure oxygénation et une conservation plus longue.

C’est cette technologie qui a permis à Hemarina de décrocher sa première certification CE. Une vraie victoire pour Franck Zal, qui raconte que : “Les autorités pharmaceutiques étaient extrêmement frileuses il y a quinze ans. Lorsque j’ai émis l’idée de mélanger de l’hémoglobine de ver avec du sang humain, on m’a pris pour un fou”. Grâce à ce précieux sésame, Hemarina peut désormais commercialiser Hemo2Life dans toute l'Union Européenne.

Il y a 30 ans, personne n’aurait pu se douter qu’un ver de plage allait bouleverser le monde de la recherche. Alors qui sait ? Peut-être que sous nos pieds, au-dessus de nos têtes, ou juste devant nous, se cachent les solutions aux problèmes de demain.

L’impact positif de l’initiative en chiffres :

Après 15 ans de recherche et développement, et le dépôt de 63 brevets, Hemarina débute enfin la commercialisation de ses solutions. Sur le site de Noirmoutiers, 750 kg de vers sont produits chaque année, pour une capacité de production annuelle de 30 tonnes, une quantité suffisante pour assurer la future demande.

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