Peut-on apprendre sur zoom ? (1/5)

ENQUÊTE (1/5) « L'école à distance » 🕵️

Voilà un an que la crise du COVID s’est abattue sur le monde de l’enseignement supérieur pour y faire l’effet d’une bombe. Un an qu’étudiants et professeurs ont, par la force des choses et l’ampleur de l’événement, réorganisé leurs modalités d’enseignement. Qu’ont-ils appris ? Qu’ont-il retenu ? Ils ont pris le temps de nous répondre.

François Taddei
Merci à
Apolline Tarbé
Écrit par
Apolline Tarbé

L’heure du bilan

Si les écoles ouvrent timidement leurs portes depuis quelques semaines, les étudiants restent clairvoyants : ils ne retrouveront pas complètement leurs salles de classe de sitôt. Et puisque le distanciel est voué à prendre une place de plus en plus importante dans nos vies, nous avons voulu nous plonger dans le vif du sujet. Tirer des enseignements de l’épreuve collective que le monde de l’enseignement supérieur traverse depuis un an. Essayer de garder le meilleur de ces mois de visio-conférences, de partages d’écran, de micros coupés et de pannes de wifi. Considérer cette année de scolarité “zoom” comme un laboratoire à idées pour tester, inventer, définir ce que pourrait être l’éducation supérieure. (Rien que ça). 


Restons humbles : nous ne prétendons pas révolutionner le monde de l’éducation supérieure, mais simplement capitaliser sur cette année unique pour amorcer des réflexions sur des sujets qui nous taraudent. La tâche reste ambitieuse. Les interrogations innombrables. Les étudiants peuvent-ils réellement apprendre derrière un ordinateur ? Les nouvelles configurations du distanciel facilitent-elles l’apprentissage ? Qu'avons-nous réellement appris ces derniers mois ?

Zoom sur l’apprentissage

Du côté des étudiants, le ton est morose. Sans grande surprise, une majorité d’entre eux se plaignent d’avoir assimilé moins de connaissances que d’habitude lors des derniers mois - certains allant même jusqu’à déplorer n’avoir “quasiment rien appris” depuis mars 2020. La raison principale, selon eux : la difficulté de créer des conditions de concentration et de travail adéquates à distance.

Et on les comprend. Les divertissements accessibles via l'ordinateur sont innombrables. Réseaux sociaux, Youtube, Netflix… Il est tellement facile de se perdre sur internet et de décrocher du cours, lorsqu’il suffit de couper son micro et sa caméra pour passer inaperçu. Mais la spirale zoom est encore plus sournoise : lorsqu’on suit les cours de chez soi, les sources de distraction se multiplient, et tout devient motif à décrocher. D’autant plus qu’à distance, l’intransigeance des étudiants redouble. “Si, au bout d’une minute de cours, ma prof de marketing ne m’a pas interpellé, si elle n’a pas pris un exemple pour me faire réfléchir, je décroche.” admet Louis, étudiant en première année de master dans une école de commerce. “Hop, je me mets sur mute, et je vais me faire une omelette”. Remobiliser des étudiants qui s’apprêtent à déguster une omelette : tel est le nouveau challenge quotidien des professeurs depuis mars 2020.

“Si, au bout d’une minute de cours, ma prof de marketing ne m’a pas interpellé, je me mets sur mute, et je vais me faire une omelette.” 🍳

Quand le distanciel ouvre des portes

Bien heureusement, il existe des exceptions. Des étudiants à qui le distanciel va au teint. Parmi eux, Victor Godinot, étudiant en master dans une école d’ingénieur parisienne : “tout seul dans ma chambre, je ferme Facebook, je charbonne, je suis efficace; alors que j’ai des problèmes de concentration quand j’ai mes potes dans les parages”. À contre-courant du discours dominant, il a découvert cette année qu’il était plus concentré, réceptif et efficace chez lui, seul face à son ordinateur; plutôt qu’en classe, entouré de ses amis.

À l’image de Victor, plusieurs professeurs rencontrés sont loin de partager le pessimisme des étudiants quant à l’année qui vient de s’écouler. Et pour cause : enseigner à distance a poussé beaucoup d’entre eux à faire évoluer leur profession. Passée l’urgence de l’adaptation lors du premier confinement, Fabienne Stefani, professeur de négociation commerciale en école de commerce, a décidé de “prendre le tournant” du distanciel avec son école. Avec du recul, elle est fière de dire que ce moment l’a “dynamisée”, “mise en mouvement”. Et quel mouvement : après plusieurs formations suivies au cours de l’été, l'enseignante a amélioré ses compétences informatiques, modifié le contenu et le format de ses classes, intégré de nouveaux outils numériques à ses cours, et changé ses modalités d’évaluation. Aujourd’hui, elle est persuadée que “la COVID va transformer le métier de professeur”.

“C’est comme si le cours en présentiel était un cours en 2D; et celui en distanciel un cours en 3D.” 🧬

Nous ne sommes plus en classe : nous sommes désormais en ligne

Plus largement, les équipes pédagogiques des établissements d’enseignement supérieur réalisent les opportunités que représente le distanciel pour leurs étudiants. Hors contexte COVID, le modèle du distanciel a de nombreuses vertus. Bénéficier de professeurs et d’intervenants de qualité qui n’auraient pas été disponibles pour venir physiquement sur le campus. Travailler entre étudiants de différents campus sur un même projet de groupe. Disposer d’une plus grande liberté dans l’aménagement des emplois du temps grâce à des formats asynchrones. “C’est comme si le cours en présentiel était un cours en 2D - en physique, dans un lieu clos; et celui en distanciel un cours en 3D : il permet d’ouvrir la salle de classe et de donner plus de profondeur de champ en termes d’innovation pédagogique.” résume Bertrand Augé, professeur de management à l’ESC Pau.

Qu’on l’approuve ou pas, il faut se faire à l’idée : le distanciel est entré dans le paysage de l’éducation supérieure pour y rester. C’est le mot d’ordre des équipes pédagogiques dans la préparation de la rentrée 2021. Anthony Payet, directeur des programmes de l’ESC Pau, témoigne : “Quand on pense aux futures maquettes pédagogiques, on ne se demande pas la part de distanciel qu’on intègre au présentiel, mais plutôt la part de digital que l’on s'autorise à remplacer par du présentiel”. Reste à identifier et utiliser le plein potentiel de l’enseignement à distance pour convaincre les étudiants.



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