Une stratégie d’adaptation pour les forêts

Les forêts sont des écosystèmes essentiels pour l’équilibre du climat et des sociétés humaines. En abritant 80% de la biodiversité terrestre, en contribuant à l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, en fournissant de nombreuses ressources naturelles, services écosystémiques créant des millions d’emplois, elles sont indispensables à la survie de l’être humain tant sur le plan individuel que sur l’aspect sociétal. Pourtant, comme chaque entité vivante, elles sont grandement menacées par le dérèglement climatique, qui accentue les risques d'incendies, de sécheresses, de tempêtes et de développement de maladies. Face à ce défi, l’Office national des forêts (ONF), en charge de la gestion durable des forêts publiques depuis 1964, a décidé de lancer un plan d’adaptation, comprenant, entre autres actions, l’implantation de nouvelles essences et l’adaptation des pratiques sylvicoles dans les forêts publiques françaises.

Les forêts françaises couvrent près d'un tiers du territoire national et constituent un patrimoine naturel exceptionnel, qui abrite une grande biodiversité, stocke du carbone, produit du bois, offre des loisirs et protège des risques naturels. Mais ces forêts sont aussi vulnérables face au changement climatique, qui s'accélère et s'intensifie. Selon les projections du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), la température moyenne en France pourrait augmenter de 2 à 4°C d'ici la fin du siècle, selon les scénarios d'émissions de gaz à effet de serre. Les précipitations pourraient diminuer de 10 à 30% dans le sud du pays, tandis que les événements extrêmes, comme les canicules, les sécheresses ou les tempêtes, pourraient se multiplier.

Ces changements climatiques ont déjà des impacts visibles sur la santé des forêts. Depuis 2018, plus de 300 000 hectares de forêts publiques ont subi un taux de mortalité inédit, l'équivalent de 30 fois la superficie de Paris. Toutes les régions et toutes les essences sont concernées, mais certaines sont plus sensibles que d'autres, comme le hêtre, le sapin ou l'épicéa, qui ont besoin d'eau et de fraîcheur.

Face à ce bilan, l’ONF à présenté, en septembre 2021, sa stratégie nationale d’adaptation des forêts publiques, dont Erwin Ulrich, pilote de cette mission, nous explique l’importance. “Il faut agir, et relativement vite” dit-il “Le climat des forêts française évolue très vite, avec, dans le cas d’une maladie par exemple, des effets qui ne sont parfois perceptibles que plusieurs mois après l’infection, lorsqu’il est trop tard pour agir. [...] Pour mener une action efficace, il faut mettre le budget, et être particulièrement agile”.

Dans le cadre du plan France Relance, l’ONF a pu bénéficier d’une enveloppe de 200 millions d’euros précisément dédiés à l’adaptation des forêts au changement climatique et à l’initiation de leur renouvellement pour protéger la biodiversité et répondre aux besoins de la société en produits de bois. Selon Erwin Ulrich, cette enveloppe inédite est “Un signal encourageant lancé par l'État au secteur forestier”. Un bon début, qui a permis à l’ONF de présenter son programme d’adaptation, qui repose sur trois axes principaux.

Première partie, La diversification des essences forestières, qui consiste à introduire des espèces plus adaptées au climat futur ou à favoriser la coexistence de plusieurs essences au sein d'un même peuplement. “Avec pour objectif d'augmenter la résilience des forêts face aux aléas climatiques et aux attaques parasitaires, et maintenir la production de bois et la biodiversité.” Déclare le pilote de l’opération. Deuxième partie : l'adaptation des modalités de renouvellement des peuplements forestiers, qui consiste à modifier les techniques de sylviculture (coupe, plantation, éclaircie, etc.) en fonction des conditions climatiques et des objectifs de gestion. L'objectif est de favoriser le renouvellement naturel des arbres, de réduire les pertes de bois et de préserver les sols et l'eau. Et enfin, le suivi et l'évaluation des actions d'adaptation, qui consiste à mettre en place des dispositifs de mesure et d'observation des effets du changement climatique sur les forêts et des résultats des actions d'adaptation. “Ici, l'objectif est de disposer de données fiables et actualisées” déclare Erwin Ulrich, “Pour partager les connaissances et les retours d'expérience, et d'ajuster les pratiques en fonction des évolutions”.

Pour mettre en œuvre cette stratégie, l'ONF s'appuie sur des outils scientifiques et techniques, comme le réseau mixte technologique Aforce, qui regroupe 15 organismes de recherche et de développement forestier, dont l'ONF est l'un des partenaires structurants. Ce réseau a pour mission d'accompagner les forestiers dans l'adaptation des forêts aux changements climatiques, en produisant des connaissances, des méthodes et des formations.

L'ONF a pour ambition de faire des forêts publiques qu'il gère un modèle d'adaptation au changement climatique, en conciliant les enjeux environnementaux, économiques et sociaux. Pour cela, il s'est fixé des objectifs chiffrés à court et moyen terme.

Diversifier 20% des peuplements forestiers sensibles au changement climatique d'ici 2026, soit environ 400.000 hectares. Adapter le renouvellement de 50% des peuplements forestiers sensibles au changement climatique d'ici 2030, soit environ 1 million d'hectares. Suivre l'évolution de la santé des forêts sur 100% du territoire forestier public d'ici 2026, grâce à un dispositif national d'observation. Évaluer l'efficacité des actions d'adaptation sur 10% du territoire forestier public d'ici 2030, grâce à un réseau d'îlots d'avenir.

À travers cette mission, l'ONF espère contribuer à la préservation du patrimoine forestier français, et à la lutte contre le réchauffement climatique. Erwin Ulrich le rappelle “Si la forêt est menacée par le réchauffement climatique, il ne faut pas oublier qu’elle reste un outil puissant pour lutter contre ce dernier. Il faudra donc poursuivre ce travail d’adaptation et de préservation même à l’issue de ce programme, en espérant que des budgets continueront à être débloqués”.