Des moutons pour le houblon breton

La Houblonnière gère la pression

LIEU(x)
Lezerzot, Bretagne
auteur
Emile Biraud
audio
Emile Biraud

Dans les Côtes-d’Armor, un couple d’agriculteurs a remis sur pied la filière du houblon bio. En l’espace de quatre ans, à coup d’inventivité et d’entraide, ils se sont affranchis des méthodes agricoles les plus répandues pour créer un nouveau modèle basé sur l’écopastoralisme.

C’est un véritable pari de faire du houblon bio en Bretagne.L’agropastoralisme est une technique très pratiquée en Nouvelle-Zélande.

C’est l’été dans le nord de la Bretagne. Nous sommes à 20 kilomètres des côtes de granit rose, où la proximité de la mer adoucit le climat. Il fait chaud, et tout juste assez humide pour garantir la fertilité des sols. Ici, au beau milieu du bocage breton, se niche la houblonnière de Lezerzot, où Antoine Floury et Anaïs Langlais portent le projet de créer une filière de houblon breton et biologique, pour fournir les brasseries artisanales alentour. Une idée ambitieuse, qui est née lors d’un trajet en voiture.

Retour à l’été 2016, Antoine Floury et trois de ses amis roulent en direction de la presqu’île de Crozon pour profiter du festival du bout du monde. Fraîchement diplômé d’un Master en Biologie fonctionnelle des plantes, il est l’heure pour lui faire un choix : s’engager dans la recherche fondamentale pour le domaine public, ou se faire embaucher par un grand industriel. Antoine n’est attiré par aucune des deux options. Ce qui le passionne, c’est l’étude de toutes les interactions du vivant : les symbioses entre la faune et la flore, la science, l'humain et la terre. Peu de chance d’assouvir cette passion dans les voies classiques de la recherche, qu’elle soit publique ou privée.

Il est 15h, Antoine est assis à l’arrière de cette voiture. Tiraillé par ce dilemme, il demande conseil à ses amis. Après quelques minutes de discussion, l’un d’entre eux va partager une idée fondatrice « Pourquoi tu ne te lancerais pas en indépendant ? En faisant pousser ton propre houblon par exemple ? ». Dans l’esprit d’Antoine, tout s’est illuminé, d’après ses propres mots « C’est là, dans cette voiture, à 27 ans, que j’ai su ce que je voulais faire de ma vie ».

C’est un véritable pari de faire du houblon bio en Bretagne.
Antoine Floury

La culture du houblon, bonne idée ! D’autant que l’un des 4 passagers de la voiture est brasseur, pour Antoine, c’est l’assurance d’avoir rapidement un pied dans l’univers brassicole. Et puis après tout, le houblon est une culture ancestrale en France. Elle s’est répandue dans une bonne partie de l’hexagone depuis la découverte des propriétés aseptisantes de la plante, au Xè siècle. Seule la Bretagne semble avoir fait l’économie de cette culture, son approvisionnement en houblon étant historiquement assuré par le commerce avec la Grande-Bretagne.

Aujourd’hui en France, la quasi-totalité de la production est concentrée dans le Grand-Est et les Hauts-de-France. Deux régions parfaitement adaptées à cette plante, qui s’épanouit dans les sols riches et humides. Coup de chance ! Le sol breton offre également ces deux caractéristiques. De plus, la région possède un avantage par rapport au Nord et à l’Est : elle est moins soumise aux grandes sécheresses, qui sont souvent fatales aux plants de houblon. Avec ces informations, la perspective de lancer la filière se rapproche pour le jeune homme. Conscient de l’ampleur de cette tâche, il s’est solidement préparé.

L’agropastoralisme est une technique très pratiquée en Nouvelle-Zélande.
Antoine Floury

Retour sur les bancs de l’école pour Antoine. Il passe un an au centre de formation agricole de Guingamp, puis obtient son brevet professionnel de maraîchage biologique. Sa formation n’a fait que confirmer sa conviction. Fraîchement diplômé, il est temps pour lui de s’installer. Après quelques mois de recherches, il jette son dévolu sur une petite exploitation du nom de Lezerzot située sur la commune de Brédily, dans ses Côtes-d’Armor natales. Ici, à Lezerzot, se trouve une ferme entourée par 26 hectares d’un terrain historiquement rejeté par les agriculteurs céréaliers à cause de son humidité. Mais si l’humidité de ces terres est un frein pour la culture de céréales, elle est indispensable pour celle du houblon. Le 26 juin 2018, Antoine s’installe à Lezerzot avec Anaïs, sa compagne, pour débuter leur vie d’agriculteurs.

La recette de leur houblonnière est assez inspirée. Ici, tout s’articule autour du concept de symbiose biologique. Au cœur du système se trouve la relation entre le houblon et les ovins. « C’est ce qu’on appelle l’agropastoralisme, une technique ancienne très pratiquée en Nouvelle-Zélande » assure l’exploitant. Dans les houblonnières, les moutons effeuillent la base des plants, limitant ainsi la propagation des maladies venant du sol. Si jamais un agent pathogène était présent sur les feuilles consommées par les moutons, il serait détruit dans le tube digestif de l'animal, avant d’être transformé en engrais naturel. À Lezerzot, cet effeuillage indispensable a été confié à un cheptel de moutons de Belle-Ile, une race passée à deux doigts de l’extinction dans les années 80, et dont l’effectif total s’élève à moins de 1000 individus. Sur le papier, cet équilibre ne peut que fonctionner. Malheureusement, l’agriculture est un secteur parfois ingrat, dans lequel travail acharné et respect de l’environnement ne riment que trop rarement avec rentabilité.

Anaïs Langlais
Nous vendons notre houblon à une quinzaine de brasseurs de la région.

Même s’il existe plusieurs belles histoires de cadres parisiens partis monter leur ferme biologique en province, le secteur est plutôt déserté. Selon l’insee, entre 2010 et 2020, le nombre d’exploitation en France a diminué de 20 %. De plus, deux agriculteurs sur dix vivent sous le seuil de pauvreté, et cette tendance est à la hausse. Cette réalité économique, Antoine et Anaïs s’y sont aussi heurtés lors de la première récolte, où ils ont obtenu un résultat 10 fois inférieur à leurs attentes. En définitive, l’agriculture n’a rien d’un eldorado. Alors pourquoi se lancer dans un challenge aussi compliqué, avec si peu de certitudes sur la viabilité économique du projet ?

Par passion dans un premier temps, et s’ils n’ont pas l’illusion de faire fortune avec ce système, ils ont tout de même trouvé la clé pour rentabiliser leur activité. Antoine Floury et Anaïs Langlois s’affranchissent des règles habituelles du monde agricole. Chez eux, pas de coopératives qui dictent les règles à appliquer, pas d’export à l’international comme le font les fermes géantes de l’est de la France, et donc pas d’intermédiaires. Ils font le souhait d’être totalement indépendants, en fournissant les brasseurs locaux, dont le nombre augmente en flèche depuis quelques années. Alors chaque été, les jeunes houblonniers ouvrent leur exploitation à plusieurs visiteurs curieux. Démarche assez logique pour ces agriculteurs qui cultivent ainsi une nouvelle relation vertueuse, d’humain à humain.

L’impact positif de l’initiative en chiffres :

Sur 4 hectares d’un seul tenant, 12.000 plants produisent 9 variétés de houblon différentes, dont le pied est effeuillé chaque jour par une centaine de moutons et d’agneaux Belle-Ile. Sur les 22 hectares restants, Antoine et Anaïs cultivent des pommes de terre et des choux chinois, pour s’assurer une rentrée d’argent plus stable. En 2022, Antoine et Anaïs ont bouclé leur quatrième récolte, pour le plus grand bonheur des brasseries qui ont fait le choix du houblon local.

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