Une zone d'utilité à Bacalan
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À Bordeaux, dans le quartier de Bacalan, la zone Achard s'apprête à faire peau neuve. Main dans la main, habitants, propriétaires et professionnels de la maîtrise d’usages inventent l’avenir du quartier, dans le respect de son âme et de son histoire.
Prenons la direction de Bordeaux, une ville qui, depuis une dizaine d’années, vit une véritable métamorphose. Pour arriver sur place, il faut emprunter l’un des emblèmes de cette mue : la ligne à grande vitesse, qui relie Bordeaux à Paris depuis Juillet 2017. En s’approchant de la ville, d’autres symboles se dessinent, comme le Matmut Stadium, ou la nouvelle place Gambetta, qui après des années de travaux, permet enfin aux bordelais de s'octroyer un grand bol d’air frais. Une chose est sûre, en arrivant sur place, toute la ville semble avancer à l’unisson. Pourtant, il existe quelques enclaves qui ne se laissent pas dénaturer ainsi. Parmi ces quartiers à l’identité bien définie, on retrouve la “Zone Achard” à Bacalan, un quartier du nord de Bordeaux. Si d’un point de vue extérieur, cet espace ressemble à une simple zone industrielle, il est en réalité un lieu historique de l’activité ouvrière bordelaise. Et si avec le temps, les usines ont progressivement fermé leurs portes, l’esprit du quartier demeure, et ne demande qu’à s’exprimer. Pour cultiver cet esprit, les propriétaires des lieux - la foncière familiale Immeubles Bret Gaubaste - ont fait appel à Impact Studio. Objectif : faire évoluer les usages de cette zone d’activité au patrimoine d’exception pour délivrer un impact tangible, concret et quotidien sur ses usagers et son territoire.
En arrivant sur place, Marie Nicolini, cheffe de projet chez Impact Studio nous explique que pour comprendre l’âme de cet endroit, il est nécessaire d’en connaître l’histoire. “Au milieu du 19è siècle, l’industrie sucrière s’est emparée des lieux, et une première raffinerie s’est installée sur le site”. Industrie prometteuse, elle n’a eu de cesse de grandir pendant la première partie du 20è siècle, accueillant l’un après l’autres les raffineries Saint-Remi, puis Say, avant que les deux entités fusionnent et grandissent jusqu’à embaucher un millier d’ouvriers au plus fort de son activité, à la veille de la seconde guerre mondiale. “C’est de cette époque d’où vient en partie le nom de la Cité Bleue [...] Lors de la pause méridienne, des centaines d’ouvriers sortaient des raffineries en tenues de travail, teintant les rues de leur bleu de travail”.
Cette tranche de vie reflète bien l’ambiance qui pouvait régner à l’époque, une vitalité qui en dehors des heures d’usines, a créé la vie à Bacalan, un quartier populaire, vivant, avec une culture bâtie en partie au gré des luttes sociales portées par ses habitants employés de l’industrie sucrière. Bien que la disparition de la dernière raffinerie n’ait pas fait perdre cette ambiance de village, la vie communautaire de la zone d’activité y est moins vivace. "C’est toujours une zone d’activité, avec beaucoup d’organismes de formations, de structures d'insertion et d'artisans. Les gens se connaissent bien sûr, mais l’aspect de communauté s’est perdu avec le temps”. C’est précisément sur ce point que le projet Cité Bleue se penche. Re-créer une communauté qui monte des projets ensemble, s'entraide, et se rassemble autour de lieux de vie commune.
Créer une communauté ? Plus facile à dire qu’à faire. Consciente de l’ampleur du défi, Marie Nicolini indique que ce processus s’installera “sur la longueur, pour et avec les résidents”. Tout en se basant sur les piliers qui font l’esprit du site depuis plus de 100 ans : l’âme ouvrière, la culture du “faire” et le vivre ensemble. “Pour que le site passe de zone d’activité à zone d’utilité” dit-elle. L’idée de cette Cité Bleue trouve son origine avec la rencontre entre Impact Studio et Immeubles Bret Gaubaste. Propriétaires du site depuis le départ de la manufacture sucrière, ils ont transformé l’ancienne usine en zone d’activité en pratiquant des loyers modérés et accueillent aujourd’hui une cinquantaine d’entreprises et d'associations. À l’occasion de travaux pour la mise aux normes de certains espaces, la foncière propriétaire a décidé du changement de nom. “Le fait que le nom Cité Bleue entre dans les usages nous tient vraiment à coeur”.
Pour que ce changement d'identité corresponde à la réalité du terrain, plusieurs modifications structurelles vont êtres mises en place. Si de nombreux travaux sont prévus, Marie Nicolini insiste sur deux aspects primordiaux à la métamorphose du site. “Notre premier objectif est de réduire la présence des voitures”. “Avec le temps, la zone est devenue le parking du coin, ce qui occupe un certain espace que nous voudrions dédier à d’autres fonctions [...] De plus, la Cité Bleue est déjà très bien desservie par les transports en commun. Une fois l’espace libéré de ces véhicules, il faut créer un nouveaux lieux de vie. “Nous voulons créer un espace de restauration. Aujourd’hui il n’existe que quelques boulangeries et peu de restaurants, mais pas d'offre appropriée. Un lieu de restauration c’est un espace où l’on se rassemble, là où s’exprime l’esprit d’un quartier.” Si ces deux initiatives seront les premières d’une longue série, elles veulent poser les bases de ce que sera la cité bleue, un espace qui se métamorphose pour et avec ses habitants.
En effet, la métamorphose de quartiers à l’ADN populaire se résument souvent à une gentrification violente, qui a en repeignant les murs, efface l’âme d’un quartier en plus de chasser une partie des habitants ancestraux. Et à Bordeaux, le cas de figure s’est déjà présenté. Dans le quartier Saint-Michel, ce phénomène est observable depuis les années 1990, à travers la rénovation de l’habitat ancien, l’ouverture de nouveaux commerces et services, et la médiatisation du quartier comme un lieu branché et attractif. Un phénomène qui, sur le papier, n’a rien de négatif, mais qui crée en réalité de fortes tensions entre résidents ancestraux et nouveaux venus, notamment en raison de l’augmentation du prix de l’immobilier et de la modification de l’offre commerciale souvent considérée comme inadaptée aux anciens résidents.
Le but d’Impact Studio avec le projet Cité Bleue est d’éviter à tout prix de créer ce genre de tensions. “L'idée n’est pas de changer le site en une espèce de centre touristique. Nous voulons d’abord que ça soit un lieu utile à ses locataires et à son quartier”. Pour ce faire, un petit local a été ouvert aux acteurs de ce changement pour y organiser quelques événements. Cet espace est également le lieu où s’invente l’avenir de la Cité Bleue “Des groupes de travail que l’on appelle les Agoras y sont organisés, l’occasion d’aborder des thématiques comme la mobilité, l'événementiel, la végétalisation etc. Pour faire en sorte que les locaux s’investissent et proposent leurs propres idées”.
Sur cet espace vaste de 44 hectares, La Cité Bleue accueille une cinquantaine d’entreprises, associations, artisans, commerçants, et autres, qui emploient plusieurs centaines de personnes. En s’inspirant du passé ouvrier, de la culture et du lien social du quartier, cette métamorphose permettra de mettre la zone achard au service des locaux, pour que Bacalan retrouve sa vitalité d’antan.
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