Des bactéries contre la pétrochimie

Pili annonce la couleur

LIEU(x)
Paris, Toulouse, Lyon
auteur
Pauline Malier
audio
Emile Biraud

Ici, tout se joue dans d’immenses cuves dont le contenu est assez peu vraisemblable. Imaginez des fermenteurs cylindroconiques hauts de deux mètres, des couvercles et autres opercules comme ceux utilisés chez votre brasseur de bière. Sauf qu’ici, dans ce laboratoire, ce sont des microorganismes qui dégradent la biomasse. Et contre toute attente pour les amateurs, il est possible d’observer des mains expertes qui manipulent des molécules d'intérêt dont l'une des propriétés est le pouvoir de créer… de la couleur.

La pétrochimie entraîne d’énormes émissions de CO2 et les teintures sont doublement polluantes.Schématiquement cela revient à brasser de la bière.

Les couleurs sont partout. Tant les plantes que les matériaux produisent au quotidien une palette de couleurs dites naturelles. Mais ces couleurs sont aussi produites chimiquement (colorants synthétiques), pour façonner et égayer nos univers. La couleur fait donc partie intégrante de nos expériences du monde; et si nombreux sont ceux qui la travaillent au quotidien, peu, en réalité, se questionnent sur sa provenance.

C’est cette recherche sur l’origine des couleurs qui a mené à la fondation de PILI. Il s’agit, pour cette équipe de biologistes, chimistes et designers, de comprendre d’où vient la couleur, comment les microorganismes - champignons unicellulaires et bactéries - la produisent biologiquement, et in fine, comment remplacer les colorants synthétiques issus de la pétrochimie par un colorant produit écologiquement grâce à la microbiologie.

99% des colorants utilisés actuellement, notamment dans les industries, viennent en effet encore de cette manipulation chimique faite à partir de molécules de pétrole. Il n’est plus un secret que ces productions pétrochimiques à grande échelle entraînent de massives émissions de CO2, avec un bilan carbone très élevé. En travaillant en microbiologie, l’équipe PILI tente donc de concevoir une nouvelle manière de produire la couleur : écologique, durable, circulaire et accessible.

La pétrochimie entraîne d’énormes émissions de CO2 et les teintures sont doublement polluantes.
Marie-Sarah Adenis

À l’origine de PILI, il y a une idée. Celle d’une designer et d’un biologiste, Marie-Sarah Adenis et Thomas Landrain, de découvrir la provenance des couleurs. Présentes partout, les couleurs ne sont pourtant pas anodines. La nature en présente un spectre déjà large : le bleu du roquefort, la pourriture ou encore les champignons ne sont que quelques exemples de colorations produites - schématiquement - de la manière suivante : des molécules plus ou moins complexes absorbent une partie du spectre lumineux et en renvoient une autre partie, créant ainsi une couleur. Mais l’industrie produit, elle, à grande échelle.

C’est pourquoi elle a eu besoin de trouver des solutions pour produire une palette toujours plus large de teintures, résistantes, durables dans le temps et se fixant facilement sur les matériaux que l’on souhaite teinter. Ces teintures à prix accessible sont majoritairement utilisées par les manufacturiers. En découle une problématique évidente fondatrice de PILI : la pétrochimie entraîne d’énormes émissions de CO2 et les teintures sont donc doublement polluantes : tant dans leur production que dans leurs usages. Comment produire alors des colorants de manière écologique et à grande échelle ?

Des expérimentations simples ont ouvert la voie à un travail de concours avec les bactéries : en leur donnant ce qu’elles souhaitent (se nourrir), elles produisent ce que nous souhaitons (la couleur). Et comme une bonne idée passe rarement inaperçue, l'entreprise a rapidement généré un intérêt pour l’industrie, à la recherche de colorants moins polluants. D’un bricolage entre biologistes commence alors à se construire un vrai projet de création à échelle industrielle structuré par Jérémie Blache, aujourd’hui CEO de l’entreprise. Biologistes, chimistes, designers ont rejoint les rangs de la startup et PILI compte depuis une trentaine de salariés.

Schématiquement cela revient à brasser de la bière.

Bien comprendre PILI, c’est bien comprendre le sens du mot écologique. Est écologique ce qui est viable sur le long terme et de non néfaste pour la planète. Naturel, à l’inverse, ne signifie pas toujours écologique : produite à grande échelle l’huile de palme est bien naturelle mais loin d’être écologique. Cette distinction entre naturel et écologique est importante, car elle permet de comprendre l’importance de trouver une alternative à grande échelle tant aux dérivés de pétroles qu’aux colorants dits naturels.

Il faudrait une surface de culture d’indigotiers équivalente à l’Allemagne pour créer suffisamment d’indigotine - couleur indigo - pour teinter tous les jeans produits mondialement. L’indigotier, qui produit la couleur des jeans, présente un rendement de l'ordre de 50 kg/ha/an. La demande mondiale annuelle dépasse les 80 000 tonnes. Remplacer le colorant d’origine pétrochimique est donc physiquement impossible avec ce type de teintures.

Créer des colorants de manière écologique, c’est donc les penser viables à grande échelle et durables sur le long terme (les couleurs ne se fatiguent pas rapidement). C’est pour cette raison que l’équipe PILI a décidé de prendre l’industrie textile comme tout premier terrain d’expérimentation en travaillant sur l’indigo. L’industrie textile est une des plus polluantes et consommatrices de teintures. Agir, ne serait-ce que sur une couleur, aurait un impact déjà conséquent sur les émissions de CO2.

Il est très important pour nous de rester une entreprise française.

Alors concrètement comment fonctionne ce procédé ? Il s’agit d’utiliser la bactérie en faisant ensuite une construction génétique plus ou moins complexe à l’intérieur du génome. En ajoutant plusieurs enzymes à la suite (de plantes ou de champignons), on peut créer une indigotine (une molécule) similaire à celle créée par les plantes pour la pétrochimie.

« Schématiquement, cela revient à brasser de la bière. Les bactéries sont élevées dans de grosses cuves appelées fermenteurs, sauf qu’au lieu de levures brassant de l’orge, ce sont des bactéries qui brassent des déchets agricoles. Il en ressort des couleurs. Si on a besoin de modifier la couleur ou ses propriétés, on travaille en chimie (et non pétrochimie) avec des procédés comme la photocatalyse qui ne font pas intervenir de matières fossiles ».

Ce processus permet de recréer des molécules déjà existantes comme l’indigo - pas de nouvelles molécules. Cet indigo stable émet 80% de CO2 en moins et s’utilise de la même manière que les teintures produites par la pétrochimie. Cela n'entraîne donc aucun changement de techniques ou de matériaux - ce qui compliquerait grandement les choses pour les manufacturiers et limiterait à court terme l’impact de cette découverte.

L’impact positif de l’initiative en chiffres :

99 % des couleurs sont produites à partir de ressources fossiles. En moyenne, l'entreprise vise une baisse d'au moins 50 % des émissions de CO2 des colorants et pigments, et jusqu'à 80 % dans certains cas. Après l'industrialisation de pigments pour les encres, les peintures et les plastiques en 2023, PILI développera des colorants textiles pour les fibres synthétiques et cellulosiques comme le coton, le lin ou le chanvre.

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